Éducation: le tout ou rien

Les comportements sécuritaires ne sont en aucun cas une réponse éducative. Cette affirmation est probablement politiquement correcte dans l’Aide à la jeunesse, mais le monde qui nous entoure affirme de plus en plus fort le contraire.

« Là où les humains ne supportent plus la parole, réapparaît le massacre.  »

Pierre Legendre. La fabrique de l’homme occidental.

Les réponses éducatives ne sont en tout cas pas à trouver dans les extrêmes, ni dans le déni des limites, ni dans l’excès d’autorité. L’éducation est patience, exemple, déconstruction des réponses violentes. Il s’agit d’un travail d’inclusion continuel, quotidien et répétitif. Un travail où nous ne devons pas chercher de récompense pour soi. Nous sommes par notre corps amené à modeler la vie de l’autre.

Nous avons bien souvent à situer nos jeunes dans le juste milieu, l’entre-deux. Il serait étonnant d’ailleurs que les moyens que nous mettons en place puissent faire appel eux-mêmes à la violence. Naturellement, la limite est présente, elle n’implique pas le ressenti de l’adulte. Elle est présente par la loi écrite, par les rituels, portés par le jeune et l’adulte. Naturellement, le stop existe, dans la parole, dans la récurrence du non, dans notre attitude personnelle et d’équipe.  Nous sommes là pour construire un chemin avec nos jeunes et si nous ne trouvons pas le moyen de répondre immédiatement, aujourd’hui, vous pouvez avoir la certitude que sur la longueur chacun sera gagnant. La baguette magique de l’éducateur n’existe pas. Il s’agit de régularité cohérente de tenir sa parole, de pouvoir affronter tous les regards, d’entendre toutes les détresses, d’être juste, d’être en lien avec l’autre, de ne pas perdre celui-ci dans les moments difficiles.

« L’exception confirme la règle. »

Longtemps j’ai pris cette citation comme portant un sens impossible.   Il est clair qu’elle est emplie de sagesse lorsque l’on perçoit qu’une entrave à la règle peut nous servir pour renforcer celle-ci. Qui n’a jamais autorisé un jeune à se coucher plus tard, à discuter avec lui sur une difficulté, ou à prolonger un film qui sort de l’ordinaire. Quel outil plus puissant que ce moment volé au temps, à l’instituer ! Nous savons combien il ouvre des portes. Mais nous savons aussi qu’il faut rappeler la norme pour les autres jours., pour la fratrie, pour le groupe. La préciosité de cet instant ne vaut que par la circonstance, la possibilité du lien, le moment unique et partagé, l’exception et cela nous rappelle la règle simplement. Faudrait-il se priver de cet outil par rigueur?

Qu’il est difficile à de jeunes équipes de faire comprendre ce chemin, ce passage et le temps qu’il faut pour y arriver ! À croire qu’une des caractéristiques de la jeunesse (enfant et jeune adulte) est la résolution immédiate du désir ! Patience.

Est-ce un mythe qu’une femme en milieu fermé ou très difficile se fait moins agresser qu’un éducateur masculin ?

 » Ce que la douceur a de féminin, c’est qu’elle est un courage sans violence, une force sans dureté, un amour sans colère ».

Cette citation d’André Compte Sponville fait écho à notre réunion de ce jour. Pour poursuivre cette réflexion, voici une belle source qui provient du discours de Joseph Rouzel sur l’éducateur.

J’aurais aimé retrouver un texte d’un philosophe grec décrivant la plainte de l’ancienne génération sur la décadence de la nouvelle, et cela avec des mots tellement actuelle  qu’il est difficile de le situé 2700 ans avant nous! Et tout devine relatif. Quand commence-t-on à vieillir ?

Laurent Lebutte

Directeur des Cabris depuis 2006

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